dimanche 12 mars 2017

La Route des Bois.





En avançant sur cette route
Tu n’étais pas auprès de moi ;
Je me suis arrêté trois fois
Avant la forêt de mes doutes :
Trois arrêts pour faire mon choix.
Au tout premier,  tourné vers l’ombre,
J’ai tout d’abord pensé à toi,
Au second - la nuit est bien sombre –
Je me suis demandé « pourquoi ? »
Au troisième était une tombe
Et j’ai pris la route des bois.

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samedi 11 mars 2017

Le Cycle des Amours Déçues - II - Le Délaissé.



(Château de Chantilly.)


C’est l’essor d’une robe blanche
Au milieu d’une nuit d’été,
Tous les jours se faisaient dimanche
Et nous nous aimions sans compter.

L’amour connaît des nuits de peine
Et des jours gris de déception
Mais nos amours glissaient sereines
Au fleuve de nos illusions.

L’avenir était certitude
A dépasser tous les présents,
Nous le crûmes sans plus d’étude
Et notre espoir dura longtemps.

J’entrevois encore un sourire
Sur le fond d’une nuit d’été
Et cette attente qui soupire
Au seuil du jardin déserté.

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vendredi 10 mars 2017

Il Pleut.




Il pleut
Et dans ces mots « il pleut »
Il y a mille choses :
Des toits luisants, un peu,
Et des rosiers sans roses
Dans les jardins brouillés
Où le printemps s’annonce,
Des trottoirs ennuyés
Et la chanson absconse
Qui court les caniveaux ;
Une place déserte,
Un vent doux mais pas trop,
Deux ou trois feuilles vertes.

Il pleut
Et dans ces mots l’on trouve
Ce désir de ciel bleu
Que tout le monde éprouve
Et un square boueux
Mais dont l’herbe est plus verte,
Beaucoup d’immeubles gris,
Pas de fenêtre ouverte,
Ou j’en serais surpris,
Deux ou trois primevères
Au rebord d’un balcon.
Le flot chargé de terre
Qui s’enfuit sous un pont…

Il pleut
Et cela signifie
Un après-midi lent
Et calme où l’on s’ennuie
Crépusculairement,
Deux ou trois pas confiés
Au noir d’un parapluie
Et des habits mouillés
Dessous un ciel de suie.

Il pleut
Et cela laisse entendre
Reflets et flaques d’eau,
Cieux de plomb ou de cendres,
Corneilles ou corbeaux,
Péniches esseulées
Au fond d’un soir fumeux
Et routes désolées
A l’horizon brumeux.

Il pleut.

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mercredi 8 mars 2017

Si Proche, si Lointaine.



(Venise depuis le Lido.)


Douceur du soir qui vient où Venise est lointaine
Et la mer tout autour qui reflète le ciel
Teint de rose pastel, tons de jade et de miel,
La ville est pourtant là, on la distingue à peine ;
Douceur du soir qui vient où Venise est lointaine.

Douceur du soir qui vient sur le miroir des eaux,
Que la paix soit sur toi, si proche et si lointaine
Mais celui qui regarde a-t-il peint ce tableau ?
Le crépuscule approche et c’est lui qui m’emmène,
L’heure est à la tendresse, aux mots confidentiels,
Que la mer tout autour, en reflétant le ciel,
Va porter à Venise, à Venise sereine,
A cette heure, si proche et pourtant si lointaine.

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Les Couche-tôt.





La  nuit est très bonne commère,
On l’interroge, elle répond
Car pour n’avoir pas de lumières
On n’est pas privé de raison.

Le sens commun et le silence
Favorisent la réflexion,
Ne sont-ils pas tous deux l’essence
De l’ombre et son inclination ?

Chaque jour de notre existence
Nous nous posons mille questions,
Sur ses avis, à son instance
Nous leur trouvons des solutions.

Elle nous avise et conseille
Et nous tient de sages propos
Lesquels vaillent bien que l’on veille ;
C’est tant pis pour les couche-tôt.

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L'Ecrivain Public.






Trois sous pour quelques mots, ne les valent-ils pas ?
Ecrire n’est pas rien, si vous saviez ce qu’il en coûte !
Un écrivain public ne gagne pas sa croûte
En usant de grands mots comme « âme » ou comme « appas »
Que ne comprendrait pas la coquine ou la belle
A qui son amoureux veut envoyer des vers.
Ni bergère à rubans, ni gente demoiselle :
Où « mon Amour » suffit, « Phyllis » va de travers.
« Ma Biche », « mon Aimée » et même « ma Colombe »
Ne sont pas démodés, « mon Cœur » se porte bien,
« Je ne pense qu’à toi »… Oui, je sais, il m’incombe
De mentir quelquefois mais on ne ferait rien
De bon ou tout du moins qui vaille qu’on l’achète
Si l’on n’enjolivait en ce domaine là !
« Berthe, viens dans mon lit », même avec un en-tête
Et sur papier glacé, tombe toujours à plat.
J’habille le désir, je vends de la tendresse,
De la fidélité, je sais ce qu’elle vaut,
Tant pis, ce n’est pas moi qui signe la promesse,
J’écrirais tout, pourvu qu’on paye ce qu’il faut ;
Est-ce moi dans le fond qui suis le malhonnête ?!
Je ne suis qu’un marchand de rêve ou bien d’appâts;
Trois sous pour quelques mots, ne les valent-ils pas
Puisqu’ils sont malgré tout les mots d’un vrai poète ?

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