mercredi 16 mars 2016

Je.






Il y a déjà cinquante ans
Que le Seigneur m’a fait poète,
Joueurs de rimes et amant
Des mots en peine ou bien en fête
Dont j’use à chaque heure du jour
Pour dire parfois ma colère
Pour dire surtout mon amour
Sans intéresser et sans plaire.
C’est qu’au royaume des rosiers
Je suis au mieux la pâquerette,
Une fleur qu’on peut oublier,
Plus rustique aussi que coquette
Et qui ne sert pas aux bouquets ;
Rien qu’un poète de rencontre
Dont le talent s’écrit « caquet »
Comme ces lignes le démontrent.
Si mon œuvre est de peu de poids,
Pardonnez aux Muses sylvestres
Dont j’ai toujours suivi les lois,
A mon inspiration rupestre
Comme aux divinités agrestes
Et aux ondines des ruisseaux
Qui ne furent jamais de reste
Pour me suggérer mes tableaux.
Je suis un poète herbager,
Guère élégiaque mais rustique,
Quelquefois même potager,
Qui sans avoir de sel attique
Vous offre à boire et à manger.

                 ***

vendredi 11 mars 2016

Refleurir.






Nouveaux printemps et vieux chemins,
A vieil arbre, nouveau feuillage.
Que dit ce texte sibyllin ?
Nouveaux printemps et vieux chemins…

Que l’espoir s’appelle « demain »
Et qu’il refleurit à tout âge :
Nouveaux printemps et vieux chemins,
A vieil arbre, nouveau feuillage.

                     ***
 

jeudi 10 mars 2016

Les Corbeaux. (Triolet.)







Tous les autres oiseaux ont fui
Et les corbeaux dînent en ville
Brillamment habillés de nuit ;
Tous les autres oiseaux ont fui.

Mauvais signe pour aujourd’hui
Que ces sinistres volatiles…
Tous les autres oiseaux ont fui
Et les corbeaux dînent en ville.

                  ***
 

mercredi 9 mars 2016

Le Jardinier Cynique.






Un rayon de soleil sur une flaque d’eau,
Fin des mois froids, autre saison,
Si j’en souris, me mettrai-je l’Hiver à dos ?
Allons, voyons, serait-ce une bonne raison ?

Restons discret car ce vieillard est irascible
Et je ne voudrais pas qu’il recouvre de neige
Les roses que j’attends ou qu’il prenne pour cible
Les fleurs de mon verger ; s’il gelait qu’y ferais-je ?

De la prudence donc et s’il doit radoter
Quelques matins glacials, quelques midis brumeux :
« Vous restez bien tout ce que vous avez été »
-Dirons-nous- «Cher grand- père Hiver, c’est merveilleux ! »,

En  attendant, patients, qu’un matin de lumière,
Un matin de douceur, un matin d’hirondelles,
Le Printemps ne l’envoie enfin au cimetière
Sous les rires heureux de ses anciens fidèles…

                             ***

mardi 8 mars 2016

Après Tout...







Le soir tombe, grisâtre, après tout c’est l’hiver
Et l’hiver n’est pas gai, du moins c’est ce qu’on pense.
Il est de givre, il est de froid et d’arrogance,
Il est de jours obscurs, de tristesse au travers,
Il est de neige et de grésil et de brumes humides
Mais s’il est tout cela, après tout c’est l’hiver.

Il est de champs déserts et de campagnes vides,
De sol dur sous le gel et de vague chagrin,
Il est de solitude à l’horizon livide,
De forêts sans feuillage et de sillons sans grain,
Il est d’ombre et de nuit, de vent et de froidure,
D’inexistants midis, de cieux toujours couverts,
Mais s’il est tout cela, après tout c’est l’hiver.

Est-ce tout ce qu’il est ? Une voix me murmure
Qu’il est également – est-ce important cela ? –
La bouilloire qui chante et l’arôme d’un plat,
Et l’âtre qui rougeoie et la nuit sinécure,
La pénombre où s’endort le reflet ou l’éclat,
Et les heures de paix et les heures sereines,
Et la douce chaleur et la vie à couvert,
L’intermède et le temps qu’un même songe entraîne
Dont il faut dire aussi qu’après tout c’est l’hiver.

                            ***