jeudi 11 décembre 2014

A la Mer.





D'émeraude et d'hermine,
La mer qui monte aux sables d'or
Dit l'infini qui se devine
Vierge de tout trésor.

"Merveilles éternelles",
Ces mots seraient-ils des menteurs
Comme ceux que sous les tonnelles
On dit avec ferveur ?

Le bruit des feuilles mortes
Sous les pas d'un Automne gris
Dit et redit tout ce qu'emporte
Notre coeur incompris.

Et quand vient la nuit noire,
Le silence n'explique plus
Ce que l'on est, ce qu'on peut croire
Et ce qu'on a voulu.

                ***

lundi 8 décembre 2014

Deux Haïkou.





L'Hiver est venu
Par un dimanche en décembre
Au froid du ciel nu.
                         
Mes yeux s'en avisent,
Ton cœur regarde la ville,
La ville est si grise...

                                                             ***

samedi 6 décembre 2014

Conseils à un jeune poète.



Que vous faut-il, jeune poète,
Pour composer au mieux des vers ?
Des accords et le rythme en tête,
Le calme, - allez vous mettre au vert ! -
Un gros paquet de feuilles blanches
Et cette plume au bout des doigts
Trempée dans l'encre des dimanches
Où le temps reprend tous ses droits
Car l'urgence écrit comme un manche.
Un estomac indifférent
Est un atout pour être à l'aise:
Ce qu'en ce métier les plus grands
Ont pu avaler de fadaises !
Mais de tout le plus important,
Le vrai sésame indispensable
Sans lequel vivre est peu tentant
Et composer presque impensable,
L'outil du génie exultant
Et sans lequel il est en deuil,
Veuillez me croire sur parole,
C'est avant tout un vieux fauteuil...

                  ***


SDF.








Je regarde la rue où la nuit est glaciale,
La longue nuit d'hiver...
Les heures qui s'en vont ne sont guère spéciales
Si ce n'est qu'au revers,
Un peu plus loin, certains - Vous avez dit: "Misère" ? -
Vont l'affronter sans toit.
Oui, misère en effet, des enfants et des mères,
Mal nourris dans le froid.
Mal nourris et qu'on aide et pourtant qu'on retrouve
Chaque année plus nombreux
Et qu'à les regarder, un seul regard éprouve
Toujours plus malheureux.
L'avers, c'est le sommet de notre République
Où l'on s'émeut de tout.
La compassion des mots d'un discours politique
Ne nourrit pas beaucoup...

                   ***

lundi 1 décembre 2014

Nord.




Lorsque souffle le vent du Nord
On sent l'hiver des nuits obscures
Et des aubes où le froid mord;
Lorsque souffle le vent du Nord.

Aux troncs noircis des arbres tors
Comme aux sillons vêtus de bure,
Le givre à midi brille encore,
 Lorsque souffle le vent du Nord.

Aux chemins clairs, les cités sombres
Où la bise gémit si fort
Au travers des toits sans encombre,
Lorsque souffle le vent du Nord.

L'Hiver et derrière, la Mort
Qui l'accompagne comme une ombre
Et ces deux-là toujours d'accord
Lorsque souffle le vent du Nord.

La faim, le froid, la solitude
Dardent leur regard aux abords
De nos plus vieilles habitudes,
Ce n'est sûrement pas à tort
Lorsque souffle le vent du Nord.

                   ***


mardi 25 novembre 2014

La Fileuse.




Je file au rouet de ma peine
L'écheveau des jours de chagrin;
Tourne rouet, de cette laine
Nous ferons un manteau de crin.

Aux matins froids, aux soirs d'attente,
Tisse l'écharpe des soucis
Et pour les années mécontentes,
D'un fil rêche, des gants aussi.

Tourne rouet, tourne ma haine,
Au cœur de mes hivers transis,
La neige a recouvert la plaine,
Voici que l'âge a tout saisi.

La roue se voile et le bois grince,
Depuis la quenouille au fuseau
Le fil que j'ai tissé trop mince
N'attends plus qu'un coup de ciseau.

                      ***

Dans un bistrot parisien.




C'est dans un bistrot parisien
Que j'écrivis ceci, pour rien,
Pour passer un moment pénible:
Celui-ci et celui qui vient,
Pour trouver une idée risible,
Pour chasser la nuit qui revient
Et ce vieux doute incoercible
Qui depuis tant d'années me tient.
C'est dans un bistrot parisien
Et sur l'un des coins d'une table,
Ne me sentant pas vraiment bien,
Le coeur malheureux, ô combien,
 Et l'apparence assez minable,
Que je composais cette fable.
Il est des jours quand vient la nuit
Où la mémoire insupportable,
Sans cesse et sans pitié, vous nuit,
Où vous vous sentez misérable
Ne serait-ce que d'exister,
Où la foule qui vous entoure
Vous offre l'aspect contrasté
Des joies qui chez vous n'ont plus cours...

                ***

mercredi 19 novembre 2014

A l'Inconstance.





Vous rêviez de l'Automne
                Mais lorsque l'heure sonne
On vous voit regrettant
                Le passage du temps.

Devant vos forêts teintes
                D'or, à demie éteinte
Votre joie alanguit
                Vos chants de son souci.

Encore une semaine
                Et ceux-ci vous emmènent
Jusqu'à vous attrister
                En rêvant de l'été.

Vous êtes l'inconstance,
                Moi de même et mes stances,
Si leur ton vous a plu,
                Ne visent rien de plus.

               ***

mardi 18 novembre 2014

A Paul Verlaine.





C'est un poète, ou du moins il le dit,
A la manière
De ceux qui n'iront pas en paradis.
Absinthe et bière
Et plus souvent peut-être qu'à son tour,
Souvent l'ivresse
Qui n'est chez lui peut-être qu'un détour
De sa tristesse.
Peut-être... Oui... Comment savoir cela ?
Avec ses rimes,
Ses vers moins vagues cette fois que las
Et puis les cimes
Sont si loin, maintenant, derrière lui;
Comme l'envie
De revenir quand vraiment tout l'a fui,
Même la vie.

                    ***

lundi 17 novembre 2014

Dépouillement.




Voici venir l'Hiver
Par les grands chemins clairs
Qui courent la campagne
Au bord d'un ciel désert.

Dans les bois dépouillés
Qu'aucune ombre ne gagne
Le vent est oublié,
Le silence est entier.

L'horizon est lointain
Où les plaines allongent
Leur canevas sans fin
Comme un vitrail éteint

Et l'air glacial et vif
A balayé les songes
Dans les jardins pensifs
Des midis trop tardifs.

           ***


lundi 10 novembre 2014

Oublier la nuit.





L'Hiver s'est éloigné le temps de quelques heures,
Dehors le vent tempête et la nuit nous unit.
Dans son chant douloureux, je ne sais ce qui pleure:
Quelque espoir avorté ou quelque amour puni,
Quelque rêve meurtri ou quelque douleur vide,
Fille de tant d'oubli, qu'elle en devient refrain
De couplets attristants, devenus insipides;
Mais dans cette chanson, pourtant que de chagrin...
Et nous qui savons trop comment on se sépare
Et comment on se trompe et comment on se fuit,
En écoutant levent qui dans l'ombre s'égare
Nous pouvons nous réjouir en oubliant la nuit.

                         ***

mercredi 5 novembre 2014

Rivage de Novembre.





Rivage de Novembre
Au pied d'un clocher gris,
Nos jours si mal écrits
Que la saison démembre
S'éparpillent au vent
Dans l'or de tes feuillages
Et le fleuve en rêvant
Le reflet d'un visage
L'oublie au même instant.
Il fuit comme la feuille,
Il passe tout autant,
C'est l'amour que l'on cueille,
C'est l'amour qu'on attend,
C'est aussi qu'on le veuille
Ou non, le mauvais temps
Et le froid qu'il accueille.
Quel est le souvenir
Qui ne se change en songe
A force de vieillir
Et parfois en mensonge ?
Amants, heureux amants,
Vous saurez que l'Automne,
Comme vous faites, ment
Et ne trompe personne.

          ***

lundi 27 octobre 2014

La Forêt du Rhin.





Dans la forêt, une rivière,
Une barque immobile au bord,
Le courant retient la lumière
Où la barque noire s'endort.

Un reflet d'automne qui passe,
Qui passe et fuit et ne dit rien
Aux grises branches qui l'embrassent
Dans le crépuscule qui vient.

Un calme un peu mélancolique
Envahit l'ombre des sous-bois
Où le mois d'octobre s'applique
A ne pas se montrer trop froid.

Des souvenirs s'en vont ensemble,
Vagues autant que nonchalants,
Le long de ces rives où tremble
Ce jour d'automne en s'en allant.

Et c'est un peu comme Verlaine
Et c'est un peu comme Rimbaud,
Le vague et la vie hors d'haleine,
Brèves amours des soirs si beaux

Et brèves amours de l'aurore
A qui midi manque toujours,
Qui sous les mots cherchent encore
Le sens de leurs instants trop courts.

Mais la rivière rejoint l'ombre
Comme le jour va vers la nuit,
Rentrons, ma Chère, il fait si sombre
Que marcher devient un ennui

Le long de la rive indécise
Lorsque s'estompent les couleurs
Et que le soir qui vient se grise
En vain de songes enjôleurs.

               ***

lundi 20 octobre 2014

Départ.



Le soleil m'a confié: "Je m'en irai demain,
Comme les feuilles d'or, juste avant la Toussaint,
Et les bois seront gris au désert des campagnes;
Qui craint le vent d'hiver, me suive et m'accompagne."

Et le matin m'a dit: "Je me ferai brouillard
Et givre sur les champs, je me ferai grisaille."
Et la nuit m'a confié du ton le plus gaillard:
"Je me ferai noirceur, je me ferai muraille !"

Midi m'a prévenu: " Je m'en vais pour longtemps,
La glace va figer l'étang et la rivière
Et les jours passeront sans chaleur ni lumière,
Mornes, ternes et las, Dieu seul sait juqu'à quand."

L'horizon transparent où convergent les routes
Dans cette douceur bleue et rose du couchant
M'a montré les labours qui sillonnent les champs
Et m'a dit: "Qui demeure, il sait ce qu'il en coûte..."

                           ***



vendredi 10 octobre 2014

Voix.





La nuit s'attarde en son réseau de pluie
Où les accrocs des pignons et des toits,
A l'infini, luisent d'ombre et de suie;
Le vent d'Automne hante un minuit froid.

Aux caniveaux où les heures ruissellent,
Mille reflets naviguent orphelins
D'un réverbère ou d'enseignes jumelles
Et l'averse qui court n'a pas de fin.

Que fais-je là, que fais-je à ma fenêtre
Sinon songer à d'anciennes saisons,
Sinon chercher le meilleur moyen d'être
Quand on n'a plus confiance en ses raisons ?

Parfois je crois être la feuille morte
Qui devient boue après qu'un or trompeur
L'ait désignée au grand vent qui l'emporte
Dans cette nuit sans plaisir et sans peur.

Hauts murs éteints, carrefours sans personne,
Où mènent donc les trottoirs de toujours
Dans ce désert où l'averse résonne
Sur de vieux monuments obscurs et sourds ?

Il pleut encor sous les balcons de pierre,
Le long des quais où s'étirent les ponts,
Est-ce donc vous qu'il faut que je requière,
Voix qui venez de profondeurs sans fond ?

                        ***

dimanche 28 septembre 2014

Matin d'Automne.






Longues écharpes blanches
Aux bardanes des bords
Qui se prennent aux branches
Noires des arbres morts

Quand le jour naît parmi
La broussaille d'Automne
Aux longueurs monotones
D'un canal endormi,

Brillants lambeaux de soie
Que le soleil effrange
D'or et de sang étranges
Où le matin chatoie,

Habillez les chemins
Et les herbes des champs
Des perles que demain
Le froid fera diamants.

              ***



mercredi 17 septembre 2014

Une Vieille Dame.





C'est ici qu'habitait "un tel",
Sa veuve est morte l'an passé...
Elle s'arrête et songe au ciel;
Certains chemins sont tout tracés.

C'est toujours la même chapelle
Tout au bout de la même rue
Où ses habitudes l'appellent
Aux heures de longtemps prévues.

Mais c'est presque tout ce qui reste
Du quotidien qui l'a vu naître.
Sa démarche n'est pas bien leste
Et que de volets aux fenêtres...

Que de voisins qui sont partis,
Que de maisons sans héritiers,
Que d'enfants trop vite grandis,
Absents mais non pas oubliés...

Et que de soirs et que de nuits
A faire de la solitude,
Dans le silence qui vous suit,
Une si longue et terrible habitude.

                    ***

mercredi 3 septembre 2014

L'Etranger.







Il marchait comme on marche loin de chez soi,
Et plus qu’à la ville, étranger à lui-même
Comme on est par abus d’alcool quelquefois,
Après un cachet ou pour quelqu’un qu’on aime.

L’amour ? Pas vraiment, il marchait en colère,
S’il s’arrêtait on voyait ses mains trembler,
Il marchait tout comme un qui va aux galères,
Un qui a perdu ou bien qui a volé.

Et c’était un jour, un soir, un matin sombre,
Un grand carrefour, une rue ou un quai,
L’absence encore et partout, et toujours l’ombre,
Le chagrin, le désespoir peints sur ses traits.

Et il allait comme irait un étranger
Mais, aller : l’horreur, se résigner : le pire;
Alors ? Un pas de plus où rien ne l’attire
Et moins hésitant que plus découragé ?

                    ***

mardi 2 septembre 2014

Impossible.







L’automne d’un matin
                                Sur un plan d’eau perdu
Dans le dédale ancien
                                Et les chemins perclus
De ma mémoire.


Brouillards accumulés
                                Et reflets d’eau lointaine
Aux barques submergées
                                Dont la surface vaine
D’aube se moire.


Comment mettrais-je un nom
                                Sur telle résurgence
Plus qu’imprécise au fond
                                Et sur telle distance
Qu’on n’y peut croire ?


                         ***

mardi 19 août 2014

L'Immobilité.






Chemins boueux, routes d'ornières,
Je voyageais sans fin l'exil,
Le temps me couvrait de poussière,
Chacun disait: "où s'en va-t-il ?"

Un jour pourtant, quitte à surprendre,
Mes pas ont voulu s'arrêter;
N'ayant plus d'ailleurs où me rendre
Je me suis cru en liberté.

En voyant passer les nuages
Mon laisir s'est mis à chanter:
"Bon vent à tous ceux qui voyagent
Et vive l'immobilité !"

Hélas, le monde n'est pas sage,
Il n'a pas cessé de bouger
Tandis que je prenais de l'âge
Il poursuivait d'un pas léger.

Et me voici bien solitaire
Et me voici bien étonné,
Un peu comme un vieil antiquaire
Dans un village abandonné.

Les objets que je manipule
En souriant ne sont plus rien
Que des bibelots ridicules
Pour le rare passant qui vient.

Sans faire de littérature
Je suis aussi dépassé qu'eux
Et presque une caricature
De poète et de maître-queux

Avec mes vieilles casseroles,
Mon vieux porte-plume à la main;
Entre déjeuners et paroles
Je me dis: suis-je encore humain ?

              ***


lundi 18 août 2014

Les Livres en Liberté: Histoire d'une Adoption.





Sur les rayons de la cahute,
Là-bas, un livre m'appelait;
Le vent qui siffle et qui chahute
Raconte un peu ce qui lui plaît.

Mais le vent sait que je l'écoute
Comme je sais bien qu'il m'entend,
Si quelqu'un parmi vous en doute
Il n'aura qu'à faire semblant.

"Un livre vert comme les feuilles
Et qui parle de la forêt,
Va donc, il faut que tu l’accueilles
Et tu le liras sans regret."

Au matin gris, trois pas en ville
Pour trois courses d'à peu près rien,
Après passons à plus utile
Et venez avec moi mon chien.

Le jet d'eau chante solitaire,
Les bords de l'étang sont déserts,
Le temps a mauvais caractère,
Ce mois est un peu tête-en-l'air.

J'ai poussé jusqu'à la cabane,
Je me suis assis sur le banc:
Tous ces livres qui les condamne,
Qui vient ici les mettre au ban ?

Au vert franc de sa couverture
J'ai compris que j'étais devant,
J'étais plein de désinvolture,
Les arbres bruissaient dans le vent.

Je feuilletais à l'aventure,
Déjà nous étions plus qu'amis,
Il n'était pas de la nature
De ceux qu'on ne lit qu'à demi.

Ce livre, "la Forêt Perdue",
A cette heure-ci est chez moi
Où son histoire sera lue
Et même lue à haute voix.

              ***


jeudi 14 août 2014

Les Hirondelles.







Les couleurs du ciel ont changé
Mais où sont donc les hirondelles ?
Moi, je n’ai presque pas bougé,
Elles ont fui à tire-d’aile.

La crinière des marronniers
A force de pluie incessante
Sur les quais s’est mise à rouiller ;
Quelle fin d’été languissante !

Où sont les chaleurs de midi,
Les femmes en tenues légères,
Où sont les jardins engourdis
Dans leurs corolles de lumière ?

Gris des balcons et gris des toits,
Au ciel grisaille nouvelle,
Le vent qui chante quelquefois
A voix douce dit et rappelle :
Mais où sont donc les hirondelles ?

                    ***

lundi 11 août 2014

Jamais Plus.



La première fois un sourire
D'amour. Le même jamais plus...
Un livre et le bonheur de lire
Et une fois le livre lu,
Bien sûr, le même jamais plus.
Et puis cette étreinte voulue
Dans la flamme des corps,
La certitude dévolue
Aux hommes et comme la mort
Brève et la même jamais plus.

               ***




Et... un article sur un poète belge méconnu: Roger DE LEVAL:   

http://faititre.blogspot.fr/2014/08/poete-qui-ou-que-suis-je-propos-de.html