mardi 25 août 2015

Dialogue.






« La ville est loin, le monde aussi,
L’horizon plus encore ;
Que faites-vous ici ? »

« Je voyage en suivant l’aurore,
L’amour qui me conduit
M’apaise et me dévore. »

« Hier à demain dit : aujourd’hui,
Quel est celui qui pêche
La lune au fond d’un puits ?

Que le Saint Enfant de la crèche
Veuille absoudre le fou ;
Que son obsession prêche. »

« Passez donc, que me voulez-vous ?
Et que chacun m’oublie
Que plus rien ne me lie ; 

Je suis parti, c’est tout."

                 ***

lundi 24 août 2015

Les Quatre Tours.






Elles sont quatre tours debout,
Derniers témoins de nos murailles,
Quatre toujours de fière taille,
Elles sont quatre tours debout.

… Dauphin, tes écorcheurs sont fous
   Qui rêvent ici de ripailles,
   Ils y feront festin de coups,
   De plomb, de pierre et de ferraille.
   A Hausbergen, sache-le, nous,
   Que l’évêque appelait « canaille »,
   Chevaliers autant que piétaille
   Nous leur avons rompu le cou
   Comme demain, et qu’il t’en chaille,
   Devant Nancy, je sais bien où,
   Ce seront les Suisses et nous
   Qui remporteront la bataille…

Qui du temps autant que de tout,
Toujours aussi fières se raillent,
Elles sont quatre tours debout,
Derniers témoins de nos murailles.

                           ***
 

dimanche 23 août 2015

Les Amants de Venise.






Voilà Venise un soir d’hiver
Où vont les ombres de nos ombres
A l’heure où la brume de mer
Efface les traits et les nombres.

Dans l’eau noire des canaux luit,
De çà, de là, quelque lanterne,
Une sentinelle des nuits
Au pied d’un campanile terne.

Place Saint-Marc, nous étions deux,
Reflet double aux dalles luisantes
D’un froid humide et ténébreux,
Deux silhouettes complaisantes,

Deux personnages regrettés,
Ni Othello, ni Desdémone,
Pour ce jeu jamais raconté
D’une illusion que j’abandonne.

Vous errerez l’éternité,
Soupirant où d’autres soupirent,
Amours vivant d’obscurité
Dont chaque nuit le mal empire.

C’était un soir de février
J’inventais en marchant les stances
D’un amour à venir au pied
Des quatre étalons de Byzance…

                           ***

samedi 22 août 2015

Le Cycle des Amours Déçues. IX. Le Jeu d'Echecs.






Mes vers disent le nom
D’une femme étrangère,
Transfuge et passagère
Dont les « oui » disent « non ».

Ils disent l’aventure
Qui commence et finit
Et recommence ou ni
Rêves, ni faits ne durent.

Ils disent l’illusion
Et la déconvenue
En sa tristesse nue
De quelque amour passion.

Ils disent à la reine
D’un jeu d’échecs je crois,
Qu’un fou qui se crût roi
Ce soir quitte l’arène
Et qu’au matin trop froid
Il mourra de sa peine.

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vendredi 21 août 2015

La Fontaine de l'Oubli.






A la Fontaine de l’Oubli
Allez chercher la délivrance ;
Que ce qui fut soit aboli
A la Fontaine de l’Oubli.

Au bord de son miroir poli
Laissez la peine et la souffrance,
A la Fontaine de l’Oubli
Allez chercher la délivrance.

Du point du jour en blanc surplis
Au couchant vermeil et garance
Où l’ombre à venir fait son lit,
Que ce qui fut soit aboli,
A la fontaine d’espérance,
A la Fontaine de l’Oubli.

De cet amour aux traits pâlis
Dont chaque instant fait remembrance
Et de ce bonheur affaibli
Et de ces jours sans assurance,
Allez chercher la délivrance
A la Fontaine de l’Oubli.

Par les sentiers d’itinérance,
Par la jachère et le brûlis,
Pour que hier tombe en déshérence
Et pour que tout soit aboli,
Allez chercher la délivrance,
La fin et le terme accompli
Et la patiente indifférence
A la Fontaine de l’Oubli.

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