dimanche 23 août 2015

Les Amants de Venise.






Voilà Venise un soir d’hiver
Où vont les ombres de nos ombres
A l’heure où la brume de mer
Efface les traits et les nombres.

Dans l’eau noire des canaux luit,
De çà, de là, quelque lanterne,
Une sentinelle des nuits
Au pied d’un campanile terne.

Place Saint-Marc, nous étions deux,
Reflet double aux dalles luisantes
D’un froid humide et ténébreux,
Deux silhouettes complaisantes,

Deux personnages regrettés,
Ni Othello, ni Desdémone,
Pour ce jeu jamais raconté
D’une illusion que j’abandonne.

Vous errerez l’éternité,
Soupirant où d’autres soupirent,
Amours vivant d’obscurité
Dont chaque nuit le mal empire.

C’était un soir de février
J’inventais en marchant les stances
D’un amour à venir au pied
Des quatre étalons de Byzance…

                           ***

samedi 22 août 2015

Le Cycle des Amours Déçues. IX. Le Jeu d'Echecs.






Mes vers disent le nom
D’une femme étrangère,
Transfuge et passagère
Dont les « oui » disent « non ».

Ils disent l’aventure
Qui commence et finit
Et recommence ou ni
Rêves, ni faits ne durent.

Ils disent l’illusion
Et la déconvenue
En sa tristesse nue
De quelque amour passion.

Ils disent à la reine
D’un jeu d’échecs je crois,
Qu’un fou qui se crût roi
Ce soir quitte l’arène
Et qu’au matin trop froid
Il mourra de sa peine.

                  ***

vendredi 21 août 2015

La Fontaine de l'Oubli.






A la Fontaine de l’Oubli
Allez chercher la délivrance ;
Que ce qui fut soit aboli
A la Fontaine de l’Oubli.

Au bord de son miroir poli
Laissez la peine et la souffrance,
A la Fontaine de l’Oubli
Allez chercher la délivrance.

Du point du jour en blanc surplis
Au couchant vermeil et garance
Où l’ombre à venir fait son lit,
Que ce qui fut soit aboli,
A la fontaine d’espérance,
A la Fontaine de l’Oubli.

De cet amour aux traits pâlis
Dont chaque instant fait remembrance
Et de ce bonheur affaibli
Et de ces jours sans assurance,
Allez chercher la délivrance
A la Fontaine de l’Oubli.

Par les sentiers d’itinérance,
Par la jachère et le brûlis,
Pour que hier tombe en déshérence
Et pour que tout soit aboli,
Allez chercher la délivrance,
La fin et le terme accompli
Et la patiente indifférence
A la Fontaine de l’Oubli.

                    ***

jeudi 20 août 2015

Lorsque les Enfants s'en vont...






C’est un matin où se mélangent
Beaucoup de joie et de chagrin
Pour un début et une fin
Mais il est bon que les jours changent.

Car lorsque les enfants s’en vont,
La vie finit et recommence,
Recommence d’autre façon
Mais sans combler ce vide immense !

On beau se dire : c’est bien,
Lorsque le chemin les emmène
On a quand même de la peine,
Ils étaient tout, on n’est plus rien.

On leur souhaite bonne chance,
On se réjouit même avec eux
De leur nouvelle indépendance
Et l’on voudrait pleurer un peu.

                          ***

Le Cycle des Amours Déçues. VIII. Le Poète Mal Aimé.






Vous chanterais-je une complainte ?
A quoi cela servirait-il ?
Vous n’en seriez pas plus atteinte
Qu’un sourd ne l’est d’un mot subtil
Qu’un bègue murmure à distance !
Pour user un peu de mon art,
Vous chanterais-je une romance ?
On ne verrait y prendre part
Aucun trait de votre visage
Car vous ignorez le mot cœur !
Vous écrirais-je une ballade ?
Vous la trouveriez sans valeur,
Sans intérêt, banale et fade,
En en pensant peut-être pire !
Mais si de moi rien ne vous plaît
Et si nul vers ne vous attire,
Si vous me trouvez sot et laid,
Pourquoi devrais-je vous écrire ?

                         ***