jeudi 6 mars 2014

Le Routier.




Un soir ici puis un soir là,
Mon épouse, la solitude,
Il m'arrive d'être bien las:
Un soir ici puis un soir là.

On me demande et me voilà,
Je me nourris de servitude;
Mon épouse, la solitude,
C'est une union quelquefois rude,
Il m'arrive d'être bien las.

mardi 4 mars 2014

Printemps du monde.






Ce sera le plus beau Printemps
De toutes les années d'un monde
Qui n'en espérait plus autant;
Ce sera le plus beau Printemps.

Et ce seront mille fragrances,
Mille couleurs,
Mille nuances,
Mille manières de bonheur,

Et ce seront mille espérances
Et mille aveux,
Mille expériences
Et mille aubes de feu,

Mille versets d'un autre temps
Riant de leur propre faconde, 
Ce sera le plus beau Printemps
De toutes les années du monde.

                 ***
 

mercredi 26 février 2014

Prison.



Le ciel est rempli de nuages
Qui naviguent vers l'horizon,
Je reste immobile et j'enrage.
Le ciel est rempli de nuages.

Le plus petit d'entre eux voyage
Alors que je reste en prison;
Le ciel est rempli de nuages
Qui naviguent vers l'horizon.

mardi 25 février 2014

Ceci, cela.



Ceci date d'un an déjà,
À peine si je m'en rappelle
Et qu'en sera-t-il de cela ?
Ceci date d'un an déjà.

À bien y réfléchir, voilà,
La mémoire est une poubelle;
Ceci date d'un an déjà,
À peine si je m'en rappelle.

samedi 22 février 2014

Iris et Roses.




J'ai fait cette chanson en souvenir de toi,
Le jardin des iris et le jardin des roses
Aux étés de bonheur qui n'ont pas d'autres lois
Que d'être ce qu'on est, que d'être ce qu'on ose.

J'ai fait cette chanson pour l'amour de ce temps
Et son reflet joyeux afin qu'on la murmure
Quand de tout ce qu'on fut plus rien n'est comme avant,
Quand le jour s'assombrit, quand rien ne vous rassure.

J'ai fait cette chanson, moi qui suis peu chanteur,
Hors de toute saison, aux sillons de la terre,
Songeant à ce jardin, un grand sourire au coeur
Pour la rose et l'iris qui m'ont aimé naguère.

                         ***



vendredi 21 février 2014

La Corneille.





La corneille dit la légende
Que lui enseignent les vents froids
Qui de la montagne descendent;
C'est une très vieille légende...

Ce sont les aubes qui l'entendent,
Plus personne aujourd'hui n'y croit,
La corneille dit la légende
Que lui enseignent les vents froids.

                   ***

jeudi 20 février 2014

Prudence.





Un pas devant l'autre au bord de l'eau,
Un printemps de reflets étincelle
Dans une après-midi sans défaut
Mais un je ne sais quoi me rappelle
Que nous sommes encore en hiver.
Et d'ailleurs, pas une primevère,
Aussi loin que mon regard se perd
Les sous-bois dorment dans la lumière
Mais toujours teints d'ocres et de bruns,
De gris-cendre et de terre de Sienne,
Dans ce camaïeu de tons défunts
Où les fleurs très prudentes s'abstiennent.

                       ***

mercredi 19 février 2014

La Dernière Feuille Morte.





Hier soir, l'Automne s'en alla,
La neige derrière la porte
Dansait, n'attendant que cela.
Hier soir, l'Automne s'en alla.

Toute la nuit, le vent souffla
Sur les ultimes feuilles mortes,
La dernière qui s'envola
A l'aube passa sous ma porte
Pour me redire en quelque sorte:
Hier soir, l'Automne s'en alla.

                   ***

mardi 18 février 2014

Champs de Bataille.




Est-il un seul arpent de terre
Qui n'ait un jour rougit du sang
Qui coule aux ruisseaux de la guerre
Et bu une vie de vingt ans ?

Les forêts manqueraient de bois
Si sur chacune de leur tombe
Il fallait planter une croix
Quoiqu'aucun nom ne la surplombe.

Je n'ai pas assez de douleur
Et je n'ai pas assez de larmes
Pour redonner vie aux malheurs
Qu'ont fait tant de siècles en armes.

Mais j'en ai cependant assez
Pour que dans l'ombre que j'évoque
Murmure un peu de ce passé
Nimbé d'une gloire équivoque.

Une rumeur dans le vent froid,
Un chuchotement de racines
Comme si la mort à l'étroit
Tentait d'être moins clandestine...

               ***



lundi 17 février 2014

Répétitions.



J'ai plus écrit de vers pour vous
Qu'aucun autre poète en France,
Il en fut d'amers et de doux,
De peine autant que d'espérance,
De lumière et d'obscurité
Et de certitude et de doute.
Il en fut sans jamais compter
Et sans que jamais je redoute
D'en voir le sujet s'épuiser.
Ceux de ce soir que j'y ajoute
A l'heure où vous vous reposez
Et qu'aucune oreille n'écoute
Ne disent rien que les premiers
N'aient déjà dit de mon amour
Qui les a cependant priés
De le répéter chaque jour.

             ***


dimanche 16 février 2014

Le Voyageur Mécontent.





Voici qu'à force de changer,
A force de changer sans cesse,
Il me faut vivre en étranger,
Fût-ce même à ma propre adresse.
Je ne pars pas le cœur léger,
Mon bagage est fait de tristesse
Mais c'est à force de changer.

Serait-ce vraiment déroger
Ou faire preuve de paresse
Que de ne plus partir sans cesse,
De ne plus sans fin déloger,
De ne plus courir les hôtesses
Et de ne plus jamais changer ?

Serait-ce bien de la faiblesse
Que de vivre sans voyager,
D'attendre qu'enfin la vieillesse
Vous interdise de changer
Et que la mort avec tendresse
Vous dise de ne plus bouger ?

                   ***

samedi 15 février 2014

Le Retour.




Quand je suis revenu chez moi,
Tout ressemblait à autrefois
Mais il n'y avait plus personne,
C'était trop tard, Dieu me pardonne!

On ne m'avait pas attendu,
Sur les murs le tissus tendu
Montrait un peu plus de poussière,
La bibliothèque était entière,
Le silence y pesait son poids
Quand je suis revenu chez moi.

Il n'y avait pour m'accueillir
Que le souvenir et l'absence,
L'horloge arrêtée, le silence,
Un nom achevant de vieillir,
Un passé de meubles de bois,
Quand je suis revenu chez moi.

Mais il n'y avait plus de rires,
Aux portes plus de grincements
Ni de courants d'air qui soupirent,
De reflets aux tableaux d'antan
Accrochés un peu de guingois
Quand je suis revenu chez moi.

Et l'argenture des miroirs,
Les cuivres toujours rebondis
Achevaient de ternir sans gloire
Au fil des heures de l'oubli
Car survivre était un exploit
Quand je suis revenu chez moi.

Il n'y avait plus un parent,
Plus un ami, plus une amie
Dont la voix pût redonner vie
A tout ce qui vivait avant
Et qu'on pouvait toucher du doigt,
Quand je suis revenu chez moi.

J'ai dit ceci pour que ma voix
D'une pièce à l'autre résonne,
Disant à ceux qui s'en étonnent
Que je suis revenu chez moi.

              ***

La Rose.




La rose dit ce qu'il en est
Sans trop savoir ce qu'il en naît,
En compagne heureuse des fêtes,
Si belle et si vite défaite,
Emblème des commencements
Qui ne sait pas comme on se ment,
Comme on attend, comme on espère,
Ni comme un miracle s'opère.

               ***

jeudi 13 février 2014

Mon Chien.





Mon chien, quittez mon fauteuil
Afin que je m'y assoie
Et faites-en votre deuil;
Mon chien, quittez mon fauteuil.

C'est mon désir ou mon veuil,
Faudrait-il que j'y sursoie ?
Mon chien, quittez mon fauteuil
Afin que je m'y assoie.

             ***

mercredi 12 février 2014

Les Corbeaux.





Les corbeaux chantent le matin
A l'heure où le soleil se lève,
Ils font de même - A quelle fin ? -
Au crépuscule qui s'achève.

Que disent-ils donc ces corbeaux ?
Qu'annoncent-elles ces corneilles ?
Ma foi, quand le chant n'est pas beau
Il rapporte peu de merveilles.

Sur fond de ciel clair, un vol noir,
N'évoque pas, n'évoque guère,
Pas plus le matin que le soir,
Mieux que la crainte ou la misère.

               ***

mardi 11 février 2014

Livres.



Nous ne sommes rien d'autre
Que des livres qu'aucun autre ne lira
Que nous
Et que nul autre n'écrira:
Une reliure et quelques pages,
Des mots et des images,
C'est tout.

Des êtres de papier,
Écornés, déchirés par l'usage,
Tachés et dont nous allons oublier,
Avec le temps et avec l'âge,
Plus d'un passage.

Nous sommes ces labours trop blancs
Aux sillons d'encre noire,
Où s'écrivent les soirs,
Où s'écrivent les ans,
Le chant d'une bouilloire,
Le soupir des amants...

Le temps vient de l'absence
Où le premier chapitre
Se relit en silence,
Mais le dernier instant
Donnera seul le titre.

        ***


lundi 10 février 2014

Ménage de Printemps.




Ferons-nous enfin le ménage,
Le grand ménage de printemps ?
Coup de balai et coup de vent,
Chasserons-nous ces gris nuages ?
 Ferons-nous enfin le ménage ?

J'attrape un plumeau de passage
Et mon vieux tablier qui pend,
Des chiffons taillés hardiment
Dans un vêtement d'un autre âge;
Ferons-nous enfin le ménage ?

Ni couture, ni ravaudage,
C'est la saison du changement,
On n'échange, ni ne reprend,
Ni resquille, ni gaspillage!
Ferons-nous enfin le ménage ?

A grande eau, avant l'essorage,
La rime aux lèvres, vivement,
Battons les tapis maintenant,
C'est l'heure du grand nettoyage,
Du nettoyage de printemps.
Ferons-nous enfin le ménage ?


                 ***




dimanche 9 février 2014

À Jeûn.




Le soir s'en vient, le soleil s'effiloche,
Le ciel pâlit, les nuages au vent
Passent du rose au vieux gris "fond de poche";
Le soir s'en vient, le soleil s'effiloche.

Les bois sont noirs et la nuit se fait proche,
La nuit ? Qu'importe! Il faut dîner avant,
Qui compte plus que d'écrire en rêvant
Du soir ou du soleil qui s'effilochent,
Des nuages, du ciel ou bien du vent.

                           ***
 

samedi 8 février 2014

D'Aube.




D'aube au-dessus des bois
Comme une splendide promesse
Au petit matin froid,
La flamme ancienne de l'ivresse
Qui précède le choix.

Il faut sourire à la tempête
Qui brûle au ciel lointain
Des amours comme des conquêtes,
Des rêves incertains
Et de nos impossibles fêtes.

L'ombre à jamais n'est rien
Que pareille aurore domine
Et la nuit le sait bien
Quand l'obscur des forêts dessinne
Ce que le jour contient
Et que la lumière s'accroit
D'aube au-dessus des toits.

vendredi 7 février 2014

Dis-moi.




Dis-moi, tout petit bout de femme
Qui dort au loin, je ne sais où,
Si le même amour te réclame
D'aimer envers et contre tout;
Dis-moi, tout petit bout de femme ?

Dis-moi ce que cette année trame,
Dis-moi qu'en espérant beaucoup
Aucun amour ne se condamne
Ni ne se perd du tout au tout
Et que nous avons rendez-vous
Au détour des chemins de l'âme,
Dis-moi tout peti bout de femme
Qui dort au loin, je ne sais où