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mardi 16 octobre 2018

Le rempart.




J’ai déposé tous mes soucis
Devant une pile d’ouvrages
Qui fournissent à mon esprit
Le puissant rempart de leurs pages.

A peine fait le premier pas,
Voici que je passe la porte,
Et Cyrano m’ouvre les bras.
Déjà le second pas m’emporte

Au fond de Brocéliande où vînt,
Antan, combattre à la fontaine
De Barenton[1] le preux Yvain.
Au pas suivant je bouge à peine.

Le roi Gradlon[2] devant la mer
Écoute une cloche engloutie
Et son souvenir est amer.
Au prochain pas je m’expatrie. 

Au pied d’un rocher sur le Rhin,
La nuit, il chante une sorcière[3],
Qui fait se perdre les marins.
Au cinquième, une autre frontière.

Le doge aveugle[4] est devant moi
Sous les murs de Constantinople
Chevaliers que fait donc la croix
Sur fond d’azur, de gueules, de sinople[5] ?

A chaque page un nouveau pas
Sur ce long chemin qui sinue,
Hier et demain n’existent pas,
Je ne suis qu’une ombre ténue.

Je vous échange l’univers
Contre ce royaume de lettres,
Je m’y enfonce et je m’y perds
Aussi loin qu’il voudra permettre.

                               ***


[1] Dans le cycle de légendes qu’on appelle « la matière de Bretagne », le chevalier Yvain cousin du légendaire roi Arthur combat et vainc le chevalier Noir qui garde la fontaine de Barenton dans la forêt de Brocéliande
[2] Dahut, fille du roi Gradlon, refuse de se convertir comme lui au catholicisme. Son paganisme causera la perte de la ville d’Ys, recouverte par les flots de la mer et dont certains soirs on peut entendre, dit-on, sonner les cloches englouties.
[3] Il s’agit de la Lorelei qui provoquait le naufrage des mariniers qu’elle captivait par son chant merveilleux dans un passage dangereux de ce fleuve.
[4] Enrico Dandolo (1107-1205), doge de Venise, à l’origine du détournement de la IVe croisade sur Constantinople qu’elle prit et pilla.
[5] Azur, gueules, sinople sont des termes désignant des couleurs en héraldique, il s’agit ici, respectivement, du bleu, du rouge et du vert.

vendredi 28 septembre 2018

Chanson de la pluie d'orage.




Une pluie d’orag(e)[1] poussée par le vent
Sous un ciel de plomb et des toits luisants
Où l’averse fuit comme une cascade
Bruissant sans fin ses trois notes fades,
Plus haut, plus bas, plus doux, plus fort.
Chanson du mauvais temps, aux heures grises,
Chanson des toits de Gand, des canaux de Venise,
Chanson du doux ennui où le matin s’endort,
Chanson d’un vieil amour et chanson de demain,
Antienne sans façon, refrain de ritournelle,
Où s’en iront les goutt(es) qui tombent de plus belle ?
Des caniveaux d’ici à l’océan sans fin.
Ainsi ferai-je aussi par la route ou le rêve,
Par les mots que j’écris et le rythme du temps,
Il ne faut pas grand-chose aux heures qui sont brèves ;
J’ai repris mon bâton pour voyager longtemps.

                               ***


[1] Dans cette chanson, comme souvent dans les chansons, pour leur conserver leur rythme, certains des e muets ne doivent pas être prononcé; c’est ce qu’indique leur mise entre parenthèses.

mercredi 29 août 2018

Au retour.




Ne dis rien de la mer,
Oublie un peu le fleuve
Qui veux-tu qui s’émeuve
De ce que toi tu perds ?

Laisse au ciel ses nuages
Courant sur les embruns,
Et ses beaux paysages
A ta Loire en écrin,

A ce flot son rivage,
Son sable à l’océan,
A l’oubli ces ombrages
Et ce rêve au néant.

Du rocher à la vague
Jusqu’aux arches du pont
Le même écho divague
S’étonne et se répond.

Et que tu le saisisses
N’importe pas ou peu :
Délice avec cilice
Rime autant qu’il se peut.

                               ***