Le livre est en mauvais état,
Il appartenait à mon père
Qui pour l’acquérir n’avait pas,
A l’époque, d’argent ou guère.
J’imagine qu’il l’acheta
Lorsqu’il s’en revint de la guerre ;
Quarante-six, on l’imprima,
Pour qui fut-il une « première » ?
Je ne sais qui le maltraita,
-C’est peut-être à force de plaire
Que tout le dos s’en déchira-,
Ni sur quel étal terre à terre
Mon père à la fin l’acheta.
Ce soir mon cœur est une pierre
Et je parcours de ci delà
Tout ce que lui aussi naguère,
Page après page, feuilleta,
Point de mire ou point de repère,
Malgré le temps qui s’envola,
Ces pages où mon cœur se serre
D’aimer encor ce qu’il aima
Sont dans Alcools d’Apollinaire.
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