Au fond du jardin.

(Castel San Gimignano - Toscane - Italie.)

C’est une douce nuit d’été,

On entend bruire une fontaine,

Murmure d’eau qui vous entraîne

Aux rêves jamais racontés.

Il n’est que de savoir se taire,

Il n’est que de fermer les yeux

Car la fontaine parle mieux

Que tout ce que l’on saurait faire.

La nuit a conquis le jardin

Où le marbre d’une statue

Sourit, blafard, hors de la vue ;

L’eau chantonne au fond du bassin.

Peut-être la déesse antique

Qui dessous le feuillage noir

Habite la pierre impudique

S’anime-t-elle certains soirs ?

Quand la lune d’une caresse

Bleuit l’argent des oliviers

Et la vasque où frémit sans cesse

Le reflet vague des rosiers,

Peut-être qu’en l’allée déserte

La déesse et le vieux triton

De la fontaine, encore alerte,

S’aiment loin du qu’en dira-t-on ? 

                               ***        

Drôle d'histoire.

(Venise - Cour du palais des Doges.)

Un peu de fraîcheur au balcon,

Je vois des palmiers et la lune,

Une fontaine sans façon

Murmure un étrange prénom

Entre bonheur et infortune…

Les Muses quittent l’Hélicon,

Où sont les murs de Pampelune ?

Où, le héros du Rubicon ?

Aux bords obscurcis des lagunes

Les palais mirent leurs frontons.

Me suis-je endormi sans façon ?

L’ombre alentour est bien commune,

Point de César, point de Didon,

Il n’est ici qu’un peu de lune

Et de fraîcheur sur ce balcon.

                               ***

Le retour d'Alexandre - Pastiche.

Et des lézards gris-brun et des lézards gris-vert

Paressaient au soleil sur l’ocre de la pierre

Des ruines qui dansaient au midi de lumière

Parmi la floraison des lauriers toujours verts.

Quel dieu veillait pensif sur la gloire d’Ephèse[1] ?

Le marbre de Paros[2] que l’amour anima

Au cœur de Pygmalion[3] à la fois manque et pèse ;

Quel aède[4] sais-tu qu’Aphrodite[5] n’aimât ?

Héphaïstos[6], le feu de ton foyer éteint

N’est plus le souvenir d’un panthéon[7] lointain,

Je sais qu’il brûle encore et qu’il flambe splendide,

Cruel et menaçant aux yeux des Euménides[8].

La vierge de Délos[9] me l’a prophétisé,

Tu ne te plieras plus au bon vouloir d’Omphale[10],

Un nouvel Alexandre[11] a monté Bucéphale[12]

Et vient reconquérir l’empire divisé.

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[1] Éphèse : colonie grecque d’Asie mineure (dans l’ouest de la Turquie actuelle) dont la fondation remonte à 1000 avant Jésus Christ. Elle abritait une des sept merveilles du monde : le grand sanctuaire de la déesse Artémis ( la Diane chasseresse des Latins).

[2] Le marbre issu des carrières de l’île de Paros en mer Égée passait pour celui qui avait le grain le plus fin.

[3] Allusion au mythe de Pygmalion, ce sculpteur tombé amoureux de son œuvre, la statue d’une femme, Galatée, à qui la déesse Aphrodite donnera vie.

[4] Aède : nm poète épique qui chantait ses œuvres.

[5] La déesse Aphrodite est la Vénus des Romains.

[6] Héphaïstos n’est autre que le Vulcain du panthéon latin, dieu du feu, des volcans et des arts de la métallurgie.

[7] Panthéon : nm ensemble des dieux d’une religion polythéiste.

[8] Les Euménides c’est-à-dire les « Bienveillantes », par antiphrase, car ce sont les divinités infernales du remord et du châtiment dans le panthéon grecque.

[9] Délos, île des Cyclades qui serait le lieu de naissance de Phoebus-Apollon, fils de Zeus  (Jupiter) et dieu de la lumière mais également des arts. Délos hébergeait l’un de ses sanctuaires les plus importants.

[10] Omphale : reine de Lydie, à qui Héraclès (Hercule) fut contraint de se soumettre entièrement en punition d’un meurtre qu’il avait commis.

[11] Il s’agit d’Alexandre le Grand (356-323 avant Jésus-Christ), roi de Macédoine qui conquit l’empire perse.

[12] Bucéphale : nom du cheval d’Alexandre le Grand.