mercredi 25 novembre 2020

Le paresseux.

 


Le brouillard, ce matin, met l’horizon

Guère plus loin que le bord du balcon ;

Le monde est aussi gris que les façades

Grises dans ce jour gris, froid et maussade.

 

Je vais laisser à de plus délurés

Le soin de ranimer le feu sacré,

Pour moi, devant un pareil paysage,

Mon lit vaut mieux que tous les bavardages.

 

Très bon courage aux fantômes qu’on voit

Glisser, pressés, je ne sais trop pourquoi,

Sur les trottoirs d’une ville incertaine

Et qui semblent autant d’âmes en peine.

 

A moi, dans ce demi-jour assassin,

Mon édredon avec mon traversin,

Mon oreiller et puis mes couvertures

Et à qui le voudra : « bonne aventure ! »

 

                ***       

lundi 23 novembre 2020

Soir d'hiver.

 

 


 

C’était un soir d’hiver, d’un hiver blanc,

Je sais, il n’y en a plus tellement,

La ville refermait sur elle-même

Un crépuscule à la fois sombre et blême

Et tout semblait soudain et à la  fois

Banal et triste, indifférent et froid,

Le rideau peint du décor d’une scène

Sans lendemain dans un théâtre en peine.

Un soir du dernier mois au bout de l’an,

Vide à se demander où sont les gens

Ou si la fin du monde est survenue

Sans que votre âme ait été prévenue

Suffisamment à temps, comme il se doit,

Pour se remettre à Dieu et à la Foi,

C’était un soir humide et famélique,

La ville refermait sur elle-même

Ses toits lointains et ses rues incertaines

Et je rentrai chez moi mélancolique…

 

                               ***       

jeudi 19 novembre 2020

Le vieux livre.

 

 

 
 

Le livre est en mauvais état,

Il appartenait à mon père

Qui pour l’acquérir n’avait pas,

A l’époque, d’argent ou guère.

J’imagine qu’il l’acheta

Lorsqu’il s’en revint de la guerre ;

Quarante-six, on l’imprima,

Pour qui fut-il une « première » ?

Je ne sais qui le maltraita,

-C’est peut-être à force de plaire

Que tout le dos s’en déchira-,

Ni sur quel étal terre à terre

Mon père à la fin l’acheta.

Ce soir mon cœur est une pierre

Et je parcours de ci delà

Tout ce que lui aussi naguère,

Page après page, feuilleta,

Point de mire ou point de repère,

Malgré le temps qui s’envola,

Ces pages où mon cœur se serre

D’aimer encor ce qu’il aima

Sont dans Alcools d’Apollinaire.

 

                               ***