Entre chien et loup.

Trois mots de crépuscule

Avant la nuit d’hiver

Qui se tient au revers,

Obscure péninsule

Que le ciel illumine

D’un nimbe de douceur.

Les palais se font ruines,

Masse sans épaisseur

Dont les frontons dessinent

D’inutiles rigueurs.

Trois mots pour dire l’ombre,

Attentive, aux aguets,

En attendant que sombre

Un ultime reflet

Du jour dans la rivière.

L’heure entre chien et loup

C’est l’heure des prières

Mais en connaissez-vous ?

                               ***        

La nuit aujourd'hui.

La nuit multicolore brille

Où les reflets des rues scintillent :

Éclairage des devantures,

Éclat des phares de voitures

Et feux-rouges des carrefours.

Rouge, orange et vert, tour à tour,

Pour diriger les longues files,

Et leurs clignotements fébriles,

Qui veulent se précipiter

Au plus loin de l’obscurité

Où la nuit redevient profonde.

La même nuit dont la faconde

Anime ici mille rumeurs,

Éclats de voix, bruits de moteur

Qui grincent, grondent puis s’éteignent

Sous l’éclat figé des enseignes.

La nuit qui s’illumine ici,

Artificielle, sait que si

Vous prenez la rue adjacente,

Si délaissée, si peu passante,

Vous la retrouverez sans fard.

Non plus la nuit des couche-tard

Qui poursuivent leur insouciance

Mais la nuit sombre de silence

Sous la masse noire des toits,

Toute de paix, un peu d’effroi.

                               ***     
  

La quête des songes.

I. Le marcheur.

Je ne veux pas rester ici,

Pour gagner le pays des songes

Indiquez-moi un raccourci ;

Je ne veux pas rester ici.

Est-ce l’étroit sentier qui longe

Le bourg jusqu’aux bois obscurcis,

Ou la route qu’on voit ainsi

Se perdre où le soleil se plonge ?

Je veux un peu rêver aussi,

Oublier tout ce qui me ronge,

Je ne veux pas rester ici,

Mais gagner le pays des songes.

II. L'éveillé.

J’ai cherché la porte des songes

Et puis je suis resté devant

A l’heure où les autres s’allongent ;

J’ai cherché la porte des songes.

Dans la nuit où le monde plonge

Les hommes dorment en rêvant ;

J’ai cherché la porte des songes

Et puis je suis resté devant.

                               ***