Ils furent dix mille et puis mille,
A la campagne comme en ville,
Ensuite plus que cent et combien donc demain ?
Demain, ils seront un.
Un pour lire et aimer, le même pour écrire,
Voire pour critiquer et l’écho pour en rire.
Après ? Plus rien. Ni peine pour vous assaillir,
Ni souvenir.
Ils furent dix mille et puis mille,
A la campagne comme en ville,
Ensuite plus que cent et combien donc demain ?
Demain, ils seront un.
Chacun ses propres mots et chacun son langage
Dont nul autre que lui ne pourra faire usage.
Bientôt l’esprit en berne et l’art -est-ce étonnant ?-
A l’avenant.
Ils furent dix mille et puis mille,
A la campagne comme en ville,
Ensuite plus que cent et combien donc demain ?
Demain, ils seront un.
Mais je m’en moque bien lorsque j’écris ces lignes,
Le temps que j’ai passé par ici me désigne
Pour laisser les soucis et voyager bientôt
L’âme en repos.
Ils furent dix mille et puis mille,
A la campagne comme en ville,
Ensuite plus que cent et combien donc demain ?
Demain, ils seront un.
En attendant, mot après mot, j’use et j’abuse,
Je trouve et je reprends, j’invente et je m’amuse.
Les bien-pensants en conçoivent-ils du dépit ?
Eh bien tant pis !
Ils furent dix mille et puis mille,
A la campagne comme en ville,
Ensuite plus que cent et combien donc demain ?
Demain, ils seront un.
***
Note : la forme choisie pour ce texte est celle d’une chanson de Jean Antoine de Baïf (1532-1589) : « A la fraîcheur je voudrais or’… » que l’on peut lire dans : Chansons Françaises de la Renaissance. Édition de Georges Dottin – NRF – Poésie/Gallimard – 1991. P. 32-33.