Le lecteur.

Il lit à haute voix des vers,

Surtout pour rompre la solitude.

C’est un bon moyen de défense

Les jours où l’on vit au revers

Gris des printemps bleus et verts.

Tout le monde n’a pas la chance

D’avoir à qui parler, je pense,

Et le temps passe avec Prévert.

Prévert, Villon, Nerval, qu’importe !

Lire des vers de toute sortes

Et croire qu’on peut exister…

Mais il sait bien qu’on l’abandonne ;

A qui peut-il le raconter ?

Il n’y a plus personne.

Dès lors que -il l’a découvert-

Le temps vous déclare anathème,

On peut se parler à soi-même :

Il lit à haute voix des vers.

                               ***

Chanson.

(Château de Chambord - Loir et Cher.)

Au bouton de la rose

Et au brin de muguet,

Ce dont l’amour dispose,

Ce que dit le regret…

Comment dire « je t’aime »

Sans trahir un secret ?

Composer un poème ?

Au bouton de la rose

Et au brin de muguet,

Ce dont l’amour dispose,

Ce que dit le regret…

Ces vers tu les lirais

Pour rire et quand bien même,

Des mots et puis après ?

Au bouton de la rose

Et au brin de muguet,

Ce dont l’amour dispose,

Ce que dit le regret…

Voici l’aube diadème

Des minuits trop discrets,

La feuille vierge est blême.

Au bouton de la rose

Et au brin de muguet,

Ce dont l’amour dispose,

Ce que dit le regret…

Je n’ai rien dit, rien fait.

Le vent égrène et sème

Au loin d’anciens couplets.

Au bouton de la rose

Et au brin de muguet,

Ce dont l’amour dispose,

Ce que dit le regret…

                               ***      
 

Des corbeaux.

(Château du Haut-Koenigsbourg - Alsace.)

Le corbeau croasse sur la tour

Mais c’est l’oiseau des cimetières,

Docteur es charniers alentour

Le corbeau croasse sur la tour.

Sinistre et noir en ses atours,

Gibier de fosses et d’ornières,

Et vil et fourbe, tour à tour,

Percherait-il sur la plus fière

Et sur la plus haute des tours,

Le corbeau qui vous fait la cour

N’est qu’un oiseau de cimetière.

                               ***