mercredi 7 novembre 2012

D'un Mercenaire à son Amour.





C'est moi, demain, qui serait sur la route,
Sous le ciel gris et fuyant ma maison
Et vous savez à quel point il m'en coûte,
Ce que j'endure et pour quelles raisons.

Vous vous plaignez de vivre solitaire
Mais je le suis aussi et plus que vous,
Car je le suis et sans cesse et partout,
Même chez moi, je ne parle plus guère.

L'été, l'hiver, je suis sur les chemins
Car autrement comment gagner ma vie ?
Mercenaire est-ce un métier qu'on envie ?
Jusques à quand ? Je serai vieux demain...

Vous qui disiez m'aimer, quel long silence...
Moi, je rêvais l'amour tout autrement.
Je pense à vous, j'en parle avec le vent
Et vous voyez je vis de votre absence

Puisque là-bas, ici, tout autant que chez moi,
Je vous écris. Mais ces mots, ces paroles
Ne sont pour vous qu'une ombre qui s'envole
Et le passé n'a plus beaucoup de poids.

                        ***

mardi 6 novembre 2012

En quatrains.




Un petit quatrain de nuit
Pour s'en aller -par quels rêves,
Quelle efflorescence brève ?-
Jusqu'où notre ombre conduit.

Pour trouver la part obscure
Des heures simples des jours,
L'écho grêle des amours
Qu'on oublia mais qui furent.

Un quatrain sur ces vieux rails,
L'usage et la poésie,
Courant au gré de l'envie
Et plus brillants que l'émail.

             ***

jeudi 1 novembre 2012

En ce jeudi de la Toussaint.






Parceque je suis silencieux,
Crois-tu vraiment que je t'oublie ?
Ces cinquante ans d'un jour plus vieux
Comme ils sont donc loin de ma vie;
Brillant début et pauvre fin
En ce jeudi de la Toussaint.

Les vers et leurs rimes s'alignent,
Compensent-ils les jours absents ?
Avec le temps ils se résignent,
Comme eux tu vieillis doucement,
Ils viendront te prendre la main
En ce jeudi de la Toussaint.


Ils ne parlent plus de grand-chose,
Mais le ferait-il, à quoi bon ?
Pourtant notre amour y repose,
Rêveur apaisé d'horizons
Qui ne croient plus trop en demain
En ce jeudi de la Toussaint.

Pardonne leur mélancolie
Et qu'ils résonnent quelquefois,
Lugubre antienne ou litanie,
Tu sais ce qu'il en est je crois
Et quel peut être mon chagrin
En ce jeudi de la Toussaint.

Ce qu'ils font je ne puis le faire:
T'approcher pour parler d'amour
Et fêter ton anniversaire.
Ils s'en vont suivre ton parcours,
Moi, je m'en vais par les chemins
En ce jeudi de la Toussaint.

                  ***



lundi 29 octobre 2012

De rue en rue.







Je vais sans but, de rue en rue,
Longeant les quais, passant les ponts,
Je vais de place en avenue,
De palais en vieilles maisons.
Je m'en vais à la découverte
D'une façade ou d'une cour
Que révèle une porte ouverte,
Pas après pas, jour après jour.
Le moindre carrefour m'invite,
La ville, du centre aux faubourgs,
Je la parcours et je l'habite,
En long, en large et tour à tour.
Je suis le passant qui regarde
Et je suis parfois l'écrivain,
Je suis le curieux qui s'attarde
Et le rêveur, la plume en main.
Et l'éphémère et la mémoire
Et le siècle au bout de l'instant,
La pierre où dort un peu de gloire
Et la pénombre et l'inconstant,
Sans les chercher, je les retrouve,
Sans les connaître, je les sais,
Et chaque promenade approuve
Le nouveau récit que j'en fais.

            ***

dimanche 28 octobre 2012

En Vers.





Voici en vers et contre tout
Mon amour comme une évidence
Qui franchira le garde-fou,
Ainsi, en vers et contre tout.
 
Rêves dessus, larmes dessous
Et plus de raison qu'on ne pense;
Voici en vers et contre tout
Mon amour comme une évidence:
 
 
 
Et vous le savez bien
Et vous le savez trop,
Je vous aime toujours,
Je reviendrai bientôt
Quoique ce soit pour rien -
Que le bonheur est court ! -
Car vous n'entendrez pas,
Car vous ne voudrez pas,
Le savoir me tourmente
Et ne me convainc pas.
Depuis que je vous chante
Que n'ai-je pas pleuré:
Le plaisir, l'espérance
Avec la vérité
Et la calme beauté
Des aurores naissantes
Et l'ombre tiède de la nuit,
L'ombre si caressante,
Le jour si étonné,
Ce qui précède et suit
Avec ce que l'on prend
Et tout ce que l'on donne,
Le rêve du printemps,
La peine de l'automne...
 
            ***


 

samedi 27 octobre 2012

Place de la Gare.






Il fait nuit place de la gare
Où la pluie fouette le vent,
Néon rouge d'un restaurant,
Octobre est proche du départ;
Sur les pavés l'averse fuit.
Elle brouille mon pare-brise
Où chaque rigole conduit
L'éclat d'étoiles indécises:
Phares, bistrots ou réverbères
Et moi j'attends l'heure du train,
Celui qui te ramenait hier
Mais non ce soir et non demain.

               ***

vendredi 26 octobre 2012

Veuvage.






Nos amours sont ce qu'elles sont:
L'encre des mots sur une page
Qui n'a connu qu'une chanson;
Nos amours sont ce qu'elles sont.

Je les vis de triste façon
Comme l'on vivrait un veuvage;
Nos amours sont ce qu'elles sont:
L'encre des mots sur une page.

                   ***



mercredi 24 octobre 2012

Le Vieux Colporteur.






Le ciel gris parle d'engelures,
Novembre, il est temps d'hiverner
Dessous couettes et couvertures.
Il est temps de s'édredonner
De fin duvet, de chaudes plumes
Et de s'enfouir sous l'oreiller.
En hiver quelle autre coutume ?
Décembre, la flamme au foyer
A tisonner sous la chandelle,
Bûches de chêne, de noyer,
Au craquement des étincelles.
Dehors il fera longtemps nuit,
Dehors il neige et le vent souffle,
J'attends que mon dîner soit cuit,
Les pieds au chaud dans mes pantoufles.
Je me garde autant que je peux,
Je sais trop ce qu'est la froidure,
J'ai bien connu les chemins creux
Et l'eau qui perce la chaussure,
Je sais ce que hurle la faim,
Je sais ce qu'avoir froid veut dire.
Le feu danse devant mes mains
Dans la pénombre d'un sourire...

               ***

mardi 23 octobre 2012

Le Jardin de l'Empereur.






Et voici que le froid augmente
Au fond des jardins effeuillés
Où la lumière invente
Des gris et des noirs oubliés
Aux branches d'un vieux chêne,
Aux malingres buissons,
A ce triste bouquet de frênes
Près de bouleaux à contre ton.
Voici qu'il y a plus d'espace
Du mur à la porte qui grince
Sur la rue où je passe,
Etirant, longue et mince,
L'ombre du promeneur
En ce parc délaissé
Où cent ans, tout à l'heure,
L'Empereur a passé.
Et la ville est silence,
Le temps incertitude,
Froide munificence,
Longue absence,
Hébétude,
Errant de feuilles mortes
En gravier déserté
Aux soirs de lassitude
Des jardins inventés.

              ***


lundi 22 octobre 2012

Les chemins silencieux.





Automne, feuilles mortes
Et chemins silencieux,
Déjà demain t'emporte;
Automne et feuilles mortes.

Amour, ferme la porte
Il ne reste en ces lieux
Qu'Automne et feuilles mortes
Aux chemins silencieux.

         ***

samedi 20 octobre 2012

Deux amants.





Deux amants. Écoute et rêvons:
Au milieu coule une rivière,
De rive à rive toujours, un pont;
Deux amants. Écoute et rêvons.

Faisons quelques pas et ce pont,
De bois, d'acier ou bien de pierre,
Rêvons que nous le traversons
Et qu'en oubliant la rivière
Au milieu nous nous embrassons.

Ce serait la bonne manière,
Ce serait la bonne façon
Pour deux amants d'user d'un pont.

              ***

vendredi 19 octobre 2012

Souvenir.




Lorsque j'étais petit ou pas bien grand,
Je croyais à mes jeux: j'étais poète,
Je versifiais avec des mots d'enfant,
Très maladroits, ce que j'avais en tête.
Douze tomes d'Hugo pour le destin,
Un seul, précieux, de Nerval pour le style,
Tout était dit, j'irais à bonne fin.
Ma rime était et bancale et futile,
Je claudiquais de strophes en sonnets,
N'importe ! Alors, je me racontais mon histoire,
La moindre idée et le moindre couplet,
Demain, bien sûr, serviraient à ma gloire...
Ces beaux jours là sont loin derrière moi:
J'ai choisi mon métier, gagné ma vie
Plus ou moins bien, bref, j'ai suivi la loi
De notre monde où l'enfant se renie
Pour devenir adulte et pour compter,
Compter l'argent que l'on gagne à grand-peine,
Tous les soucis, les fardeaux à porter,
Pour compter ses échecs, compter ses heures,
Enfin pour vivre ainsi que d'autres font
Et du poète enfant ne me demeure,
Vous le voyez, pas même un petit fond...


                      ***


mercredi 17 octobre 2012

Miroir, mon beau miroir...





Surtout pas de miroir chez moi,
Pas d'argenture qui m'accuse
En me montrant ce qu'elle voit,
Qui démasque mon imposture
Et contredit ce que je crois.
Qu'ai-je besoin qu'on me reflète
Toute ma fatigue et son poids,
Le cheveu qui blanchit ma tête,
Et les rides qu'on aperçoit
Sillonner partout mon visage ?
Si l'on me dit que cet émoi
N'est pas digne d'un homme sage,
Je réponds que, pour une fois,
De passer pour fou m'indiffère!
Ne sais-je pas à mon endroit
Plus que ne sait toute la terre,
Dont ceci que, même à l'étroit,
Je reste l'enfant de naguère ?
Surtout pas de miroir chez moi !

                 ***

mardi 16 octobre 2012

Oracle d'Automne.





Dans les jardins publics que l'Automne a vidé
Des enfants turbulents, des amants attardés,
Les larges flaques d'eau où les averses pleurent
Reflètent les jours gris dont nous comptons les heures.

Le crépuscule meurt dans le froid de la nuit,
Sur le quai silencieux où nul reflet ne luit
Tous les bancs sont déserts et la brume sinue
Entre les ponts de pierre où l'ombre est retenue.

Aux places de la ville il n'est plus de passants,
La flèche d'un clocher prend un air menaçant,
Le moindre carrefour dresse une croix sévère;
Sur le pavé glissant brillent les réverbères.

Que pouvons-nous encore, au mauvais temps venu,
Rêver du lendemain ? L'Amour a répondu:
Comme aux arbres d'Octobre où l'Hiver proche affleure,
Il n'y a feuille au vent qui bien longtemps demeure...

                        ***


lundi 15 octobre 2012

Rose d'Octobre.






Rose d'Octobre à la robe ternie,
Mon coeur vous chante en ce mot "nostalgie",
En ce jardin où vos soeurs défleuries
Marquent ce jour de leur mélancolie.

L'été s'oublie et sa promesse est loin,
La terre est nue où nous fîmes les foins
Et dans ce bois que le soir a rejoint
A votre nom l'écho ne répond point.

Brumes de l'aube où le présent s'estompe,
Trop indistinct chaque passant me trompe
Et mon espoir que ces fantômes rompent
En est réduit à vos sinistres pompes.

Rose improbable aux nuances du temps
Vous qui bravez la froidure et le vent,
D'un seul bouton je me tiendrai content:
Refleurissez où mon coeur vous attend.

                       ***

jeudi 11 octobre 2012

Feuilles d'Automne.








Comme la forêt s'éclaircit
De ce feuillage qui s'envole
Au vent froid des saisons, ainsi
Mon horizon des heures folles
Qu'enfin emporte et que saisit
Le cours indifférent des heures
Qui vagabondent vers l'oubli.
Sous le ciel gris d'automne meurent,
Sans même exaler un soupir,
Unis, sourires et souffrances,
Echecs, espoirs et repentirs.
Les mots ont perdu leur outrance,
Les souvenirs, leur acuité,
Les sentiments, leur importance,
Le pardon, ses difficultés
Et le regret, ses remontrances.

              ***

lundi 1 octobre 2012

La libre cigale...





Que faire d'autre que chanter,
Fusse chanter des choses tristes
Lorsque l'on ne sait pas compter ?
Si je suis un peu pessimiste
Cela tient à ma liberté,
Une guenille qui me coûte
Plus que je n'en puis raconter.
Et fleurit au milieu du doute.
Je ne suis pas bon en affaires,
En gloire, en gains et en profits,
Peut-être qu'en vocabulaire
J'ai mieux relevé le défi.
Je suis du peuple des cigales,
Des cigales sans illusions
Qui vivent souvent assez pâles
Et sans nourrir de prétentions.
 
             ***
 



mercredi 26 septembre 2012

Trois Fenêtres.





A trois fenêtres différentes,
Autour de moi l'automne gris,
Les heures cette fois sont lentes,
Ce qui m'entoure me contente,
Que désirer de plus: j'écris.

Je n'en espère pas de rente,
Chacun, je crois, l'a bien compris;
Je fais ici ce qui me tente
A trois fenêtres différentes.

A l'une je vois des passantes,
A l'autre des arbres roussis,
A la troisième je déchante:
Il n'y a rien à voir ici
Mais je passe mon temps ainsi
A trois fenêtres différentes.

                ***


vendredi 21 septembre 2012

Vieillir...





Il est allé s'asseoir, un beau matin d'automne,
Seul sur un banc de bois dans un jardin public,
S'asseoir dans le soleil où la chaleur lui donne
Un reste de plaisir et cela tombe à pic.
Le temps de la vieillesse est un temps solitaire
Où l'heure se distend, où le passé se perd;
Il regarde sans voir, qu'aurait-il d'autre à faire ?
Chez lui nul ne l'attend et le parc est désert.
Combien de liens rompus au bout d'une existence
Et combien d'illusions dans tout ce qu'on a cru ?
Les enfants sont lointains et je sais bien qu'il pense
Que c'est très bien ainsi, qu'ils ne sont pas perdus
Qu'ils sont indépendants et qu'ils vivent leur vie.
Ils étaient beaux ces jours sur le même chemin,
Cet espoir à bâtir, les mots de ce partage.
Mais il savait aussi qu'ils doivent prendre fin,
On ne fait tous unis qu'une part du voyage.
C'est un matin d'automne et il fait asssez frais
Et s'asseoir au soleil sans penser à grand-chose
C'est se faire plaisir encore à peu de frais:
C'est le mieux qu'on espère et le plus que l'on ose.

                          ***

mardi 18 septembre 2012

Retour de Voyage.













Me voici de retour, je ne sais rien de toi,
Pas le plus petit mot, pas la moindre nouvelle,
Le courrier que ce soir j'étale devant moi,
Poussière de dix jours, lettres impersonnelles,
Ne fait que répéter ce que je sais déjà:
Notre temps a passé, plus rien ne nous relie;
Le silence est entier, un autre jour s'en va
Et comme ils sont banals les amants que j'envie !
Promeneur de l'instant, je ne te dirai rien
Des couleurs de l'Automne aux plus beaux paysages,
J'ai retrouvé ces lys où tu les aimes bien
Et j'ai rêvé pour deux d'impossibles partages.
Comme les malheureux je n'ai pas oublié
Dans l'ombre de la nef, et dans combien d'églises,
Au hasard du chemin, d'attendre et de prier,
Tu devines pourquoi sans que je te le dise.


                        ***