(Environs de Magrin - Tarn.) |
Les collines rousses et vertes
Qui
s’étagent au loin à perte
De vue,
savent-elles encor
Chanter de
leurs voix alternées
Cet ancien
chant de fin’amor[1]
Dont la
trame en leur sein est née ?
Doux chant
et de mémoire insigne,
Chemins
d’oliviers et de vignes
Les
fredonnez-vous comme avant ?
« Amour
de loin [2]» que
rien n’épuise
Se peut-il
qu’un jour dans le vent
Un si tendre
écho s’amenuise ?
Ma Belle,
aux autres non pareille,
Puisse un
jour ta bouche vermeille
Tout bas redire
avec émoi
En voyant
que dans la campagne
L’été s’est
enfui comme moi,
Ces vers du
pays de Cocagne[3].
[1]
Fin’amor : l’amour courtois théorisé et chanté par les troubadours du XIIe
et XIIIe siècle.
[2] Amour de
loin : amour lointain, référence à l’amour que le troubadour Jaufré Rudel,
XIIe siècle, conçut pour la lointaine princesse de Tripoli qu’il chercha vainement à rejoindre.
[3] Le pays
de Cocagne désigne la région, proche de Toulouse, où l’on cultivait autrefois
le pastel, plante à l’origine d’une belle couleur bleu.