vendredi 26 novembre 2010

Utopies et Chansons.- Folio 2.- Quatre Saisons de Jeunesse.




Printemps pluvieux -1.

Il pleut sur les chemins, il pleut sur le printemps
Et mille flaques d’eau se rident sous le vent,
De sillons en sillons et de trous en ornières,
Sous l’argent ou le bleu d’une étrange lumière.
La violette a fané, les arbres sont en fleurs,
Du froid à la douceur et de la joie aux pleurs
S’il naît un nouveau jour, quoique l’espoir conquière,
Il pourrit de vieux troncs dans l’eau de la rivière.

            ***

Printemps pluvieux – II.

Aux chemins d’un Printemps crotté,
Marche une amie un peu boueuse,
Quant à moi, j’ai les pieds trempés :
C’est une après-midi heureuse.

Quel poète nous chantera
Le plaisir des champs labourés,
Des flaques d’eau et cetera,
En ces dimanches adorés ?

            ***

Au Début.

De perce-neige et de narcisse
Au beau milieu de mon jardin
Pour que le printemps s’accomplisse,
De perce-neige et de narcisse.

Les quelques nuages qui glissent
Ne sont pas encore pas encore la fin
De perce-neige et de narcisse
Au beau milieu de mon jardin.

            ***
Mai - I.

Bruissent les marronniers
Qu’un faible vent agite :
Mai l’a pris pour coursier,
Bruissent les marronniers.

Sur les toits les ramiers,
Se promenant méditent,
Bruissent les marronniers
Que le Printemps habite.

            ***

Mai – II.

Un jour du mois de Mai
Sur les labours se lève
Où l’or teint les guérets,
Un jour du mois de Mai.

L’Hiver fuit et se tait
Lorsque gonflés de sève,
Un jour du mois de Mai,
Partout les bourgeons crèvent.

            ***
L’instant fleuri.

Le calme de l’instant dans un jardin fleuri
Je l’ai tant désiré et si souvent décrit,
J’ai fait en l’espérant une si longue route,
Le terme en est atteint, voici que je le goûte.

Il fait doux à rêver, le jour décline et meurt
Et je suis assis là, dans le parfum des fleurs,
A regarder le ciel et n’ayant d’autre ouvrage
Que de laisser le temps poursuivre son passage.

***

Soirs d’été - I.

Le crépuscule tombe
Sur les rives du Rhin,
La fin du jour succombe ;
Le ciel clair est serein.

Le revers gris des feuilles
Brille, mat, sous les cieux,
Les arbres se recueillent,
Le soir est sur les lieux.

Derniers reflets sur l’onde,
L’or se mêle au carmin,
Le soleil vagabonde
Et s’attarde en chemin.

L’argent sur l’eau scintille,
Puis l’étain moins brillant,
Au ciel c’est l’escarbille
Après l’or chatoyant.

Et voici l’heure grise,
D’ombre aux chemins silencieux,
Le long des rives imprécises
Dormant sous un ciel insoucieux.

            ***

Soirs d’été – II. Rêve.

Et le crépuscule fana,
Au-dessus de la plaine
Ses roses délicats
Fuirent la nuit prochaine.

Jusqu’au bleu du lointain,
Sur des couleurs éteintes
Etendant son étreinte,
L’obscurité s’en vint.

Les formes, les objets,
Un à un disparurent,
A l’ouest un reflet
Marquait la voûte obscure.

Sur la brume et son voile
La lune se leva
Mais pas la moindre étoile ;
Quel souci m’éveilla ?

            ***

Soirs d’été – III.

Déjà le jour s’avance
Et prend des reflets d’or
De plus en plus intenses ;
Déjà le jour s’avance.

L’ombre monte et s’élance,
La nuit prend son essor,
Déjà le jour s’avance
Que l’eau reflète encor.

            ***

Automne – I. Octobre.

Il fait un temps triste et maussade,
Au demeurant très comme il faut,
La pluie n’est pas une brimade
Et c’est ainsi qu’octobre est beau.

Non ! Je me raconte une histoire,
Une histoire à passer le temps
Quand il est de pluie et de vent
Mais que personne ne peut croire ;

L’Automne est beau sous le soleil,
Le reste n’est que fariboles,
Mensonges et mauvais conseils
Et la grisaille me désole.

            ***

Automne – II. Le 11 Novembre.

Sous le ciel gris les tranchées
Qui ne tranchent plus beaucoup,
Après tant et tant d’années,
Sur le paysage et, dessous
La terre épaisse de novembre,
Des éclats de métal rouillé,
Un crâne et des fragments de membre :
Un cadavre oublié,
La bouche pleine du silence
Qui faisait tant défaut
A ses vingt trois ans d’existence
Qui dorment sans tombeau.

            ***

Automne – III.

Sous les arbres dépenaillés,
Passe un automne enguenillé
En maudissant cette grisaille.

Il fait un temps à se brouiller
Avec ce temps bien dévoyé
En maudissant cette grisaille.

Il fait un temps à s’ennuyer,
A tourner en rond, à bayer
En maudissant cette grisaille.

Un temps tout de gris barbouillé
Où l’on déambule mouillé
En maudissant cette grisaille.

Envoi :

Ceci, formé vaille que vaille
N’est pas un virelai qui m’aille,
Je ne peux vous le conseiller,
En maudissant cette grisaille.

            ***


Hiver – I.

Sur le jardin fané la pluie,
Un froid dimanche où je m’ennuie,
Et les toits détrempés, luisants,
Et le ciel gris d’hiver, lassant.
Sonorité des vers, silence,
Marquant les rimes en cadence
Afin qu’il en naisse à mon gré
L’effet que j’en ai désiré.
Arbres aux troncs noircis, humides,
Rosiers dormants, pelouses vides,
Quartier désert, morne trottoir
Où l’après-midi sent le soir,
Quand l’encre des mots sèche,
Triste, lasse et revêche.

            ***

Hiver – II. Crépuscule.

Il tombe un crépuscule d’or,
Teinté de rose et de violine
Où le jade un instant domine,
Le jour se meurt, le jour est mort.

Artifice et magnificence
A cet instant vont de concert,
Feront-ils oublier l’hiver
La nuit, le froid et le silence ?

            ***
Hiver – III. Dimanche.

Voici des nuages bleu-gris
Et des nuages noirs de pluie,
Les jours sont brefs, on l’a compris,
Les dimanches d’hiver m’ennuient.

Le brun est la seule couleur
Sur les chemins de la campagne,
Sombres, sans feuilles et sans fleurs
Où la mélancolie me gagne.

Ce sont des moments de la vie
Dont je ne puis faire le tri,
Les dimanches d’hiver m’ennuient,
Chacun, j’espère, l’a compris.

            ***

Deux Sapins.

Ils sont au début d’un chemin,
Sombres au bord du paysage,
Deux silhouettes deux sapins,
Dont je ne saurais dire l’âge.

Solitaires et majestueux
Comme deux arbres de légende
Dont les souvenirs en ces lieux
Au grand vent de minuit s’entendent.

            ***

Entre-deux.

Entre l’hiver et le printemps
Une lune encore glaciale
Par-dessus les toits et j’attends,
Entre l’hiver et le printemps.

Est-ce l’obscurité vraiment
Que ce jardin aux ombres pâles,
Entre l’hiver et le printemps
Où monte une lune glaciale ?

            ***

Printemps.

Il n’est que boue en toute ornière,
Comme aux champs que boueux sillons,
Silence et boueuse misère
Aux villages comme aux vallons
Et sur les bords de la rivière,
Alors, me direz-vous, au fond,
Pour chanter la boue aux clairières,
Une ballade c’est bien long.

Mais voyez-vous, c’est qu’aux chaumières
On voit éclore des bourgeons
Et les jacinthes font les fières
A peine sorties de l’oignon.
Quand on voudrait, une heure entière,
S’amuser de mille façons
Et profiter de la lumière,
Une ballade c’est bien long.

Car voici qu’il y a matière
A rire et à changer de ton ;
A l’heure où le printemps conquière
Jusqu’au plus humble des buissons,
Le soleil taille des croupières
Aux nuits d’angoisse et de frissons,
Pour se rappeler la dernière
Une ballade c’est bien long.

Passant, je fis à ma manière
Des vers pour chanter la saison
Mais pour tant de fleurs éphémères,
Une ballade c’est bien long…

            ***

Aucun commentaire: